La logothérapie
Victor Frankl, professeur de neurologie et de psychiatrie, auteur de nombreux ouvrages dont «donner du sens à sa vie » et «le D.ieu inconscient », a mis au point une approche de psychothérapie qu’il a baptisé la » logothérapie « . (Logo en grec signifie raison.) Dans cette approche, la responsabilité est considérée comme l’essence même de l’existence humaine.
Il ouvre une nouvelle voie, une psychothérapie qui s’occupe du problème du sens, une analyse qui s’ouvre vers l’inconscient spirituel qui habite chacun d’entre nous… Il découvre en effet que ses patients ne souffrent pas uniquement de frustrations ou de complexes. Plus généralement, il rencontre des êtres confrontés à un vide existentiel. Si l’homme est un être de désir, il faut ajouter que ce désir l’oriente aussi vers une recherche de sens.
« La personne humaine n’est pas seulement responsable d’elle-même ou de quelque chose mais responsable devant quelque chose. Elle est face à elle-même certes mais aussi face aux autres et surtout face à une transcendance. Ce devant quoi nous sommes responsables est susceptible d’être élucidé, éclairé. Ce quelque chose devient une mission, un rôle, une personne ou une transcendance que me dicte ma conscience. Derrière cette conscience de responsabilité se tient D.ieu mais il reste toujours invisible.
Seulement une telle réponse est toujours une réponse en «acte »…/… Nous y donnons réponse en prenant chacun la responsabilité de notre existence. Et même l’existence n’est en somme nôtre que dans la mesure où elle est existence dont on a pris la responsabilité. Freud, pionnier de toute la psychologie moderne, pensait lui-même que toute psychothérapie a besoin de complémentarité apportée par d’autres écoles, « toutes nos théories attendent d’être complétées, voire rectifiées. »[1]
Tout engagement constitue un acte qui donne corps à notre conception de l’humanité, en ce sens nous sommes totalement responsables du devenir de notre société. Si dans cette conception nous mettons le lien entre action et éthique, la question de la formation dans ce domaine est redoutable.
« Elle se donne un but suprême : amener l’homme à la conscience de ce qu’il est Responsabilité, ou bien le rendre conscient de ce que l’existence est Responsabilité ».[2]
Ce qui se déroule en pratique c’est sans doute la qualité des valeurs vécues dans et par l’environnement de l’enseignement qui contribue le plus à la formation aux humanités. Cette observation suppose la tolérance, et permet le pluralisme dans la pensée et dans l’expression.
«La recherche de signification des phénomènes religieux transforme le chercheur, quelque chose change dans la psyché, dans l’esprit du chercheur, il se transforme, il s’anoblit. »[3]
L’homme n’est pas seulement celui de Kant, de Hegel ou de Nietzsche, ni celui de Freud ou d’Adler. On ne peut comprendre la destinée humaine, sans l’étude des différents aspects de l’expérience religieuse. « L’ouverture vers le sacré rend l’homme capable de se connaître tout en connaissant les autres, car l’homme est par essence assoiffé d’être… Le sacré est à la base de son existence dans le monde »[4]. V.F
Seul le caractère transcendant de la conscience de la personne humaine nous permet de comprendre l’homme
L’histoire des religions nous révèle l’histoire de l’homme. Vivre en tant qu’être humain est en soit un acte religieux car l’humain cherche à donner du sens à tout ce qu’il entreprend. Pendant des milliers d’années l’homme vivait dans un monde qu’il considérait comme sacré, parce qu’il donnait une signification à ce qu’il entreprenait. L’art, le travail, la sexualité, l’éducation, la formation aux métiers, tout avait sens du sacré. Mais en occident, la science moderne a commencé à désacraliser l’objet du monde. Tout a changé avec l’énorme progrès industriel de la technologie. On a commencé à refuser l’expérience religieuse en tant que possibilité de connaissance, pour terminer par l’annulation même de l’idée du sens avec la théologie de la mort de D.ieu.
« Si l’idée de D.ieu a permis aux hommes de supporter le malheur, elle ne reste pas moins pour la psychanalyse une illusion. Freud invite ses contemporains à s’en débarrasser… Certes si la religion est une névrose collective il faut la rejeter, mais il se pourrait aussi que la névrose ne soit que l’expression d’une religion refusée » [5] V. Frankl
Young a également insisté sur la religiosité inconsciente et il l’a fait dériver d’un inconscient collectif. Il personnalise D.ieu sous forme d’archétype de la psyché humaine et tombe ainsi dans ce V. Frankl appel le psychologisme.
Il est intéressant de noter que ce sont les Sophistes qui ont effectué un premier virage en dégageant la technique d’une perspective symbolique et religieuse, pour proposer une perspective instrumentaliste et profane.
« En effet, du temps où les humains ne s’intéressaient qu’au mythe et à ses dimensions symboliques, toute technique correspondait à une expression du sacré et de la vérité. Avec les Sophistes, le virage profane oublie cette quête de vérité pour chercher plutôt le fonctionnement, au mépris s’il le faut, de la vérité.
La rhétorique, par exemple, suggère des règles qui peuvent donner l’illusion de la vérité. Le discours réorganise les faits pour les rendre attrayants et vraisemblables.
Pour V. Frankl la dérive scientiste fini par entraîner une forme de refoulement de l’instinct naturel de la religiosité de l’homme. Cette religiosité devient quasiment honteuse ; l’intellectuel moderne finira par avoir honte de ses sentiments religieux, les considérants comme non recevables, archaïques, ou encore conditionnés par la pensée du Sur-Moi.
Dans ces milieux, on parle aujourd’hui plus facilement de ses fantasmes sexuels que de ses aspirations spirituelles
En logothérapie, le thérapeute essaie de faire voir à son patient quelles sont ses responsabilités. C’est à lui de choisir ce dont il veut être responsable, envers quoi ou envers qui. C’est pourquoi le logothérapeute est moins porté que le thérapeute traditionnel à imposer ses valeurs à ses patients, car il n’accepte pas de prendre la responsabilité à leur place.
Une bonne façon de se mettre dans l’ambiance » logothérapie » consiste à vivre comme si c’était la seconde fois qu’on s’apprêtait à faire les mêmes erreurs. » Imaginez que le présent est le passé, et que vous avez le pouvoir de changer le passé « , propose Frankl. On se trouve ainsi confronté au caractère irrévocable de ce qu’on fait de sa vie et de soi-même.
Selon la logothérapie, on peut découvrir le sens de sa vie de trois façons différentes. Premièrement : à travers une œuvre ou une bonne action. Deuxièmement : en faisant l’expérience de quelque chose ou de quelqu’un. Ce peut être l’expérience de la bonté, de la vérité, de la beauté, par exemple de prendre contact avec la nature ou avec une certaine culture ou – ce qui est encore mieux – de connaître le caractère unique d’un être humain à travers l’amour.
La troisième façon de trouver un sens à sa vie réside dans l’attitude à prendre devant une souffrance inévitable. Placé dans une situation désespérée, il reste encore à l’être humain la liberté de choisir l’attitude à prendre : mourir dans la dignité, assumer ses souffrances. » Lorsqu’on ne peut modifier une situation – un cancer incurable, par exemple, on a d’autres choix que de se transformer.
» La souffrance n’est pas nécessaire pour trouver un sens à sa vie. Mais on peut trouver ce sens même à travers la souffrance, si celle-ci est inévitable. Si elle ne l’est pas, toutefois, il faudrait en éliminer la cause, qu’elle soit psychologique, biologique ou politique. Accepter de souffrir inutilement relève du masochisme plus que de l’héroïsme… Mais accepter de souffrir avec courage conserve à sa vie son sens jusqu’au dernier moment. »
» Je ne me lasse jamais de répéter que les seuls aspects transitoires de la vie sont ceux qui sont à l’état potentiel, écrit Viktor Frankl. Actualisés. Ils deviennent réalité et ils sont préservés dans le passé où ils sont conservés à jamais. »
Frankl raconte la métaphore du calendrier. » Le pessimiste ressemble à l’homme qui voit avec tristesse son calendrier s’amincir de jour en jour. Par contre, la personne qui aborde avec enthousiasme les problèmes de la vie ressemble à l’homme qui range soigneusement les feuilles de son calendrier après avoir griffonné quelques notes à l’endos. Il peut se pencher avec joie et fierté sur toute la richesse contenue dans ces feuilles. Que lui importe de vieillir ? Pourquoi regretter sa jeunesse ?… Il est pleinement conscient de la richesse de son passé, qui contient non seulement la réalité du travail accompli et de ses amours, mais aussi de ses souffrances bravement affrontées. C’est encore de ses souffrances qu’il est le plus fier, même si elles ne peuvent pas inspirer l’envie. »
Dans Découvrir un sens à sa vie, le Dr. Viktor Frankl – qui est l’un des maîtres à penser de notre époque –, parle de l’importance d’un optimisme tragique, » c’est-à-dire d’un optimisme face à la tragédie qui tienne compte de l’aptitude de l’homme qui, lorsqu’il est en accord avec lui-même, peut :
- Transformer la souffrance en réalisation humaine;
- Trouver dans son sentiment de culpabilité l’occasion de s’améliorer;
- Agir de façon responsable face au caractère transitoire de la vie. »
Oui, lorsqu’il est en accord avec lui-même…
Pour en revenir à la croyance psychanalytique moderne, Freud réduit l’inconscient aux pulsions sexuelles de la libido. Pour lui, il est difficile de croire à la guérison de son patient s’il continue à s’adonner à des pratiques religieuses, qu’il considère comme une névrose de l’humanité, où D.ieu ne serait que l’image du père. Contrairement à Freud, Victor Frankl estime qu’il y a un inconscient spirituel, où domine non plus le plaisir, mais la volonté de sens.
« La névrose révèle avant tout un être frustré de sens, ce qui conduit à penser que l’existence fondamentale de l’homme n’est ni l’épanouissement sexuel (Freud), ni une valorisation de soi (Adler), mais la plénitude de sens». [6]
« Un homme qui a trouvé une réponse à la question du sens de la vie, est un homme religieux » [7]; c’est le propos d’Albert Einstein cité par Victor Frankl. «Etre religieux signifie s’interroger sur le sens de la vie et être ouvert aux réponses », même si elles ébranlent parfois nos croyances scientifiques.
La logothérapie est positiviste.
La triade tragique : (Douleur, Mort, Faute) de l’existence humaine portent en eux la possibilité de sens hautement positif.
La possibilité de donner à sa vie un sens peut dans de nombreux cas, empêcher l’apparition des psychoses de la vieillesse, « l’avenir présente encore de l’intérêt »
La façon de supporter la vie est souvent d’avoir une tâche à accomplir, un rôle à jouer. (Service divin, Etude)
La crise de la retraite est souvent une névrose de chômage permanent. Tout comme la suite de névroses de chômage passagères, jusqu’aux névroses du dimanche.
Conscient du vide de sa vie lorsque l’on n’a rien à faire, on comble ce vide par des loisirs, jeux ou drogue et alcool. Le vide existentiel peut être masqué par l’hyperactivité de l’homme d’affaire, pris par la fureur du travail, quant à sa femme il lui reste le bavardage des sociales parties.
L’homme cherche continuellement à donner un sens au monde extérieur qui l’entoure et au monde intérieur de sa personnalité. Pour assurer la cohérence de sa vie avec le sens qu’il lui donne, l’homme construit mentalement des représentations et des connaissances qui lui permettent de s’adapter et de se dépasser. L’élaboration des représentations et des connaissances se fait au moyen d’opérations mentales.
D’après la physique quantique l’observateur influence le phénomène observé. Ce qui peut signifier en science humaine que je vis le monde que je vois. Si je vais mal le monde va mal. Lorsque l’on passe son temps à se plaindre de ce qui nous arrive, à juger les autres parfois il suffit de nettoyer ses lunettes pour voir un peu mieux. Avec des verres bleus et voilà que le monde devient bleu !
Et même si les choses allaient si mal, il n’y a pas de raison pour que cela ne puisse pas changer. Mais souvent le changement passe en premier lieu par soi-même. Si vous oubliez d’allumer la lumière en entrant chez vous, il risque de faire sombre dans la maison ! Changeant le casque de nos préjugés, croire en la bonté de la providence c’est se donner l’espoir que le monde tourne de mieux en mieux ! Ce n’est pas la formule classique et pourtant ! Changer de regard c’est changer de sens. L’estime de soi serait un des déterminants de la capacité des individus à faire évoluer la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et contribuer ainsi à transformer leurs attitudes, leurs valeurs et comportements.
Deux domaines :
Une analyse existentielle ne cherche pas à moraliser ou à prêcher une quelconque vérité du registre religieux. Elle a pour tâche d’élargir le champ de conscience et les valeurs du patient pour lui faire découvrir un spectre de valeur plus large et plus positif. Elle cherche une guérison psychothérapique. La religion quant à elle cherche le salut de l’âme. Ces deux approches sont totalement complémentaires quant aux résultats mais différentes quant aux objectifs.
Il arrive souvent que ces deux domaines se rejoignent. Sur le plan de la guérison :
Mal associées, ces deux approches deviennent opposées. La religion dogmatique basée sur des interdits sans en donner le sens crée des tensions émotionnelles qui peuvent aller jusqu’à un désordre névrotique (Freud). De même, comme nous l’avons vu, le psychologisme matérialiste peu créer un refoulement de la nature spirituelle de l’être et ainsi entraîner une autre forme de névrose appelée par V. Frankl, névrose noogénique.
Plusieurs penseurs arrivent à cette conclusion que la question du sens à la vie peut être inversée.
«Ne vous demandez pas quel est le sens de la vie, comprenez que c’est à vous que la vie pose la question, écrit la psychiatre Élizabeth Kübler-Ross, pionnière de l’accompagnement des mourants, dans La mort, dernière étape de la croissance. Alors trouvez ce qui vous allume, personne ne peut le faire à votre place ! »
[1] Victor E. Frankl, le D.ieu inconscient, éd. Religion et sciences de l’homme
[2] idem
[3] Marcea Eliade, Cassette vidéo, «La redécouverte du sacré », film de Paul Barba-Negra.
[4] Marcea Eliade
[5] Victor E. Frankl, le D.ieu inconscient, éd. Religion et sciences de l’homme
[6] Victor E. Frankl, le D.ieu inconscient, éd. Religion et sciences de l’homme
[7] Victor E. Frankl, le D.ieu inconscient, éd. Religion et sciences de l’homme
2 Comments
Eric
31 juillet, 2016bonjour
je dois dire que cet article tombe à point et éclaire quelques unes de mes zones d’ombre…Synchronicité,talent d’Elie, en fonction des différents commentaires d’apporter de nouvelles réflexions, de nouvelles questions, peu importe, l’essentiel c’est que cet article face sens, pour moi dans tous les cas..
un grand merci et un bon dimanche à vous tous et toutes..
Eric
Mam
30 juillet, 2016Merci encore et toujours
Nous rappeler les fondamentaux du sens
Faut retrouver ce fil conducteur qui s egare …
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